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Yaïza's Bazar

30 octobre 2006

« Je crois qu’il est temps qu’on parle un peu

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« Je crois qu’il est temps qu’on parle un peu toutes les deux. Il y a des choses que j’aurais du te raconter bien plus tôt, mais elles ne sont pas faciles à dire. Pardonnes-moi pour ne pas l’avoir fait avant. Bon, puisqu’il le faut, commençons par le commencement. Et cela passe par une petite mise au point sur les Jacquet. Je crois bien que personne ne t’a jamais vraiment raconté leur histoire. Les Jacquet ont débarqué par une belle journée d’été. Tout le monde était curieux de voir à quoi ressembler le couple qui avait racheté la vieille boulangerie abandonnée depuis longtemps. Au début, personne ne s’est méfié de cette vieille femme et de son cuisinier à la retraite de mari. Et puis il faut avouer qu’ils faisaient du pain de qualité. Pas le morceau de caoutchouc qu’on peut acheter aujourd’hui pour la modique somme de 1 §. Et puis Mr Jacquet était tout ce qu’il y a de plus aimable. Souriant, serviable… Un homme vraiment charmant. Et puis il y avait leur fils aussi.  Gilbert Jaquet. Celui qui faisait chavirer le cœur de toutes les jeunes filles du quartier. Un vrai coureur de jupons. Pas vraiment le genre d’homme qui m’attirait à cette époque.  Il est vrai que son physique ne me laissait pas indifférente, mais ayant remarqué son petit manège et sa tendance polygame,  j’essayais de l’éviter le plus possible. Un merveilleux couple à tout point de vue. Mais la vieille mégère n’était pas telle qu’elle est maintenant : sèche, sans cœur, sans âme et détestable.

- Tu ne la portes pas tellement dans ton cœur on dirait. C’est vrai qu’elle n’est pas très recommandable mais de là à…

- Tu me laisses finir s’il te plaît ? Tu comprendras le pourquoi du comment en tant voulu, pour l’instant je plante le décor.

- Désolé, je suis un peu trop bavarde parfois… Vas-y continue, je ne te coupe plus, promis.

- Merci. Où en étais-je ? Ah, oui… Je disais donc que la vielle Jacquet était différente. Mais la mort de son Xavier a tout changé. Oh elle ne s’est pas transformée d’un coup, c’est venu progressivement. D’ailleurs elle n’a pas été la seule à changer. Son fils aussi. Je crois que la mort de son père a remis en question certaines choses qu’il considérait comme acquises. Ou peut être s’est-il rendu compte que la vie était quelque chose de précieux qu’on peut perdre à tout instant. Quoi qu’il en soit, de coureur de jupon invétéré, il est devenu un parfait gentleman. Une vraie métamorphose. Il a envoyé paître toutes ses petites amies de l’époque et a commencé à chercher LA femme. Celle qui serait la mère de ses enfants et qui resterait à ses côtés jusqu’à la fin. Seulement la tâche a été plus ardue que ce qu’il avait pensé. Sa réputation l’avait précédée et aucune femme de la région n’aurait accepté ne serait-ce qu’un rendez-vous avec lui. Désespéré, il s’est donc rabattu sur les sites de rencontres sur Internet. Il a eu beaucoup de premiers rendez-vous qui n’ont pas donné suite à quelque chose de plus sérieux. Jusqu’à  ce que…

- Attends, comment tu sais tout ça ?

- Yaïza, tu avais promis de ma laisser finir sans m’interrompre…

- Pardonnes-moi mais tu sais beaucoup de choses quand même. J’étais juste curieuse de savoir comment tu avait appris tous ces détails.

- Si tu m’avais laissé finir tu n’aurais pas eu besoin de poser cette question. Donc je disais qu’il n’avait pas connu quelque chose de sérieux jusqu’à ce qu’il obtienne un rendez-vous avec une jeune fille du quartier. Une jeune fille qui elle aussi n’arrivait pas à trouver ce qu’elle cherchait en passant par les méthodes traditionnelles. Et cette jeune fille c’était moi. Quand on s’est retrouvé l’un en face de l’autre, je crois bien que pendant un moment chacun de nous a été tenté de tout annuler. Je ne lui faisais pas confiance, il savait ce que je pensais de lui. La soirée ne semblait rien présager de bon. Mais finalement, on a pensé qu’on pourrait quand même essayer puisque que l’agence pensait qu’on était ce que l’autre recherchait. Et à ma grande surprise, j’ai découvert en Gilbert quelqu’un avec qui j’aurais pu m’entendre et il semblerait que lui aussi ait été agréablement surpris puisqu’il a demandé à me revoir. Et de fil en aiguille, on a finit par sortir ensemble… Jusqu’à ce soir où il m’a avoué qu’il était tombé amoureux de moi. La première et la dernière nuit qu’on ait passé ensemble… Il m’avait parlé de mariage, de vie commune… Et après cette nuit, plus rien.

- Euh, excuse moi de t’arrêter encore un fois mais…il a rompu après avoir obtenu ce qu’il voulait ? Il n’a donc pas changé alors ?

- Les choses ne sont pas aussi simples que tu peux le penser. Je ne crois pas qu’il ait rompu après avoir obtenu la seule chose qu’il voulait de moi. On pourrait le penser sachant que je lui avais toujours résister avant. Mais rappelles-toi que c’est l’agence qui nous a rassemblé et pas lui qui a établi un plan machiavélique. Tu pourrais objecter qu’il aurait pu le décider après, le soir du premier rendez-vous, et c’est vrai, je n’ai pas d’argument pouvant prouver le contraire. Mais je suis persuadée qu’il était sincère. Il y a autre chose. Et c’est là qu’on en arrive à Denise Jacquet."

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" Quand j’ai commencé à sortir avec Gilbert, c’était encore une femme charmante, un peu lunatique depuis la mort de son mari, mais elle restait quand même agréable. Et puis elle a rencontré ce Plènozas. Tu te rappelles de lui ? Ce type agressif et déplaisant qui est passé à la boutique l’autre jour ? Elle a commençait a devenir bizarre à partir du moment où elle a fait sa connaissance. Quand on se
voyait, Gilbert me racontait les nouvelles bizarreries que sa mère avait inventées depuis la dernière fois qu’on s’était vu. Au départ, ça n’était rien de bien m échant. Des idées un peu farfelues pour le développement de la boulangerie qu’elle avait reprise.Mais sa mère a commencé à lui faire des cachotteries, à avoir des réactions bizarres et à prendre des décisions que son père n’aurait jamais approuvées. Et chacune de ces décisions intervenaient toujours après un entretien avec Plènozas. Denise Jacquet le présentait à son fils comme étant un conseiller de gestion financière. Elle lui disait qu’elle n’était pas sûre de la façon de gérer la boutique maintenant que son père les avait quittés. Mais Gilbert savait que sa mère était capable de se débrouiller toute seule. Elle s’était toujours occupé de la gestion de la boutique, alors pourquoi maintenant doutait-elle ? Gilbert suspectait Plènozas de se servir de sa mère pour mener la boulangerie à la faillite et la racheter à moindre coût. Il avait sûrement du l’embobiner pour qu’elle pense avoir besoin de lui. Il était clair qu’il devait se débarrasser de lui au plus vite avant de courir à la catastrophe. Seulement il n’aurait jamais cru qu’il aurait du se méfier aussi de sa mère. Au bout de quelques temps, elle a commencé à lancer des offres de rachat à tous les commerçants de la vallée. Et à chaque fois que l’un d'eux refusait, il lui arrivait quelque chose qui l’obligeait à vendre. Rien de bien méchant, heureusement. Mais il connaissait un baisse de clientèle ou un dégât des eaux par exemples qui le menait à la faillite. Beaucoup ont cédé en voyant ce qui pouvait arriver, et jamais ils n’auraient voulu se mettre à dos la vieille Jacquet, sachant qu’elle était capable de tout maintenant. Mieux valait l’avoir de son côté. Quelques uns ont résisté, comme ta grand-mère, ou moi. D’ailleurs je pense que quand Mme Abreim est morte, Denise a du penser que la boutique lui était grande ouverte…Seulement c’était sans compter sur toi.
Quoi qu’il en soit, Gilbert condamnait les actions de sa mère et il était dans une période de conflit permanent peu avant que tu arrives. Jamais je n’aurais cru qu’on en serait là où on en est aujourd’hui. Les plans de sa mère ne sont aujourd’hui plus un secret pour personne. Mais personne n’ose vraiment s’opposer à elle. Elle est devenue trop terrible. Une vague de « terreur » s’est répandue peu à peu dans le quartier. Tout le monde a peur de voir arriver Plènozas, sachant ce que cela signifie. Il est devenu quelque chose comme son homme de main et c’est lui qu’elle envoye quand elle veux quelque chose.

- Attends, tu veux dire que l’autre jour…

- Entre autre, il m’a encore dit de ne plus essayer de revoir Gilbert. Il paraîtrait qu’il ne voudrait plus me voir. Mais je n’y crois pas. J’ai essayé de le revoir plusieurs fois, mais à chaque fois je me suis refoulée par sa mère. Impossible de franchir ce barrage. Et pourtant, il faudrait que je lui parle.
Je ne peux pas croire qu’il m’ait laissée tomber après ce dernier rendez-vous. Je suis sûr qu’il est retenu contre son gré ou que sa mère lui fait du chantage. Je découvrirais la vérité, il le faut. Pour moi…Pour lui. »

Elle avait dit ça en regardant son ventre. Pour moi, c’était beaucoup plus parlant que les mots.

« Et toi tu voulais me dire quoi ? »

Je n’étais plus enthousiaste à l’idée de lui annoncer la nouvelle qui m’avait amenée chez elle ce jour là. Mais puisque que j’étais venu pour ça, autant le faire tout de même.

« Je te quitte… J’ouvre ma boutique bientôt. Il faut que je m’occupe des derniers préparatifs.  Quoi que maintenant je ne sais plus trop si je fais bien.

- Mais c’est génial, depuis le temps que tu attendais. Allez, tu ne vas pas laisser mes problèmes t’arrêter. Et puis c’est pas comme si on était plus amies n’est ce pas ? Alors t’ouvres quand ? »

C’était incroyable de voir la faculté qu’elle avait de reprendre ses esprits aussi vite. Si je n’étais pas sûre d’être bien réveillée, jamais je n’aurais cru qu’elle venait de me raconter toutes ces histoires.
C’est avec quelques regrets de la laisser toute seule que je suis rentrée chez moi après un bon dîner qui avait pour principal sujet de conversation l’ouverture prochaine de mon magasin. Grand-mère, qu’est ce qui t’étais passé par la tête quand tu avais décidé de me léguer ta boutique ? J’avais l’impression d’aller tout droit au suicide.

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Malgré mes doutes, quelques semaines plus tard j’étais prête à me lancer à pied joint dans une nouvelle aventure. Je ne parlerai pas d’univers inconnu, étant donné que j’avais quelques notions dans ce domaine grâce à ma grand-mère et à Florence mais c’était tout de même nouveau pour moi. J’étais mon propre patron. Et j’avais même un employé, pour s’occuper de la caisse. Après quelques essais infructueux, j’avais décidé que ce n’était pas du tout mon truc et que je préférais me consacrer à la vente. Mais quand je voyais comment il se débrouillait, c'est-à-dire aussi mal que moi, je me demandais si j’avais vraiment fait le bon choix. Florence avait été présente pour le jour de l’inauguration et d’ailleurs elle n’était pas venue seule. Toute la semaine passée, elle avait fait de la pub et parlait à tous ses clients qui ne le savaient pas encore que j’allais très bientôt moi aussi faire parti de la grande famille des commerçants de Forgottendale. Je savais très bien qu’elle disait ça sur un ton ironique, pas contre moi bien sûr mais pour elle et pour moi maintenant, même si je m’en étais douté après les mises en garde de ma grand-mère et mon premier contact avec eux, que cette grande famille n’avais jamais existé ou n’existait plus.
Il me fallut quelques temps pour m’adapter au rythme que ma nouvelle activité m’imposait et mes nuits ne furent pas très longues durant les premiers jours même avec l’aide de Bret, mon employé. Entre les réapprovisionnements, les confections de bouquets, le nettoyage et les ventes pendant la journée, je n’avais plus un instant à moi. Je m’en voulais de laisser Florence toute seule pendant tout ce temps. Je m’en voulais même de ne pas avoir le temps de penser à elle tellement les problèmes plus terre à terre de la boutique m’occupaient l’esprit durant la journée. Cependant je ne pouvais pas décrocher tout de suite si je ne voulais pas disparaître et détruire le dernier rêve de ma grand-mère. J’étais partagé entre le désir de lui faire plaisir, où qu’elle se trouve et même si ça paraissait idiot, et celui d’aller une soutenir une amie qui en avait besoin. Même si elle disait tenir le coup et pouvoir se passer de moi, je savais qu’elle essayait de paraître plus forte qu’elle ne l’était et que le jour où les barrages qu’elle avait construits pour contenir tout ce qui bouillonnait en elle allaient céder, il vaudrait mieux qu’il y ait quelqu’un auprès d’elle. Et puis il était clair qu’avec sa grossesse elle ne pourrait pas se débrouiller si il survenait des complications.
Finalement, le temps et la notoriété que la boutique avait acquise petit à petit aidant, je pus me libérer un peu plus et laisser de temps en temps les rênes de la boutique à Bret afin d’aller rendre de petites visites à mon amie, toujours trop courtes à mon goût, car si moi je m’accordais quelques pauses, elle ne se laissait plus respirer un seul instant. L’employée qu’elle avait engagée à ma place était partie sans que rien ne le laisse deviner sans donner de raison, même si la raison paraissait évidente. Elle subissait les pressions de Plènozas et de Denise Jacquet depuis son refus de céder sa boutique. Mais Florence avait décidé de résister, de tout donner pour ne pas que ce départ ne la contraigne à fermer. Elle ne voulait pas céder, c’était une question d’honneur. Et elle irait jusqu’au bout si il le fallait.  Seulement elle avait décidé de résister seule et de ne pas reprendre quelqu’un pour l’aider et son état ne lui permettrait pas de continuer longtemps.
Il fallut que je la supplie à genou pour qu’elle arrête quand sa grosse commença à la gêner, grossesse qu’elle avait essayé de cacher à tout le monde jusqu’à présent. Pourtant la meilleure façon de peut être récupérer Gilbert ou du moins d’attirer son attention, c’était de faire savoir à tout le monde qu’elle attendait un enfant et si il était assez intelligent, il comprendrait de lui-même. Si il l’aimait toujours, il chercherait sûrement à la contacter. Il serait étonnant que quelqu’un qui disait vouloir fonder une famille reste indifférent devant cette nouvelle. Cependant il avait déjà changé sa philosophie, pourquoi pas une seconde fois ?

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Pour l’avoir à l’œil durant son « congé maternité », je lui ai proposé de passer ses journées avec moi. Elle s’occupait comme elle pouvait, elle voyait du monde et ne restait pas enfermée seule chez elle ruminant sur son pauvre sort. J’avais l’esprit plus tranquille et je pouvais me consacrer à fond à mon travail sans que la culpabilité ne s’invite le soir venu et m’empêche de dormir. Et puis ma boutique était un point de départ intéressant pour les commérages. Il suffisait de placer Florence au bon endroit au bon moment pour que la nouvelle de sa grossesse circulent dans tout Forgottendale et n’arrive aux oreilles des principaux intéressés. En espérant que la vieille Jacquet n’est pas en son pouvoir celui d’empêcher les bruits de couloir de parvenir aux oreilles de son fils.Ma boutique était en effet devenu un lieu très fréquenté et fourmillait toujours de gens, au point qu’on était parfois obligé de fermer en pleine journée pour cause de rupture de stock, si on peut dire. J’avais aussi beaucoup de candidatures pour un poste, bien que je n’aie lancé aucune annonce. Tous repartaient bredouilles, j’avais assez de Bret et de Florence qui s’était lancé dans l’emballage des bouquets, une branche de ma société que j’aurais du développer selon elle. Elle faisait un peu de peinture sur pot aussi, avec personnalisation pour les clients qui le souhaitaient. Elle avait retrouvé en parti sa joie de vivre. Jamais je ne l’avais vu autant rire. Sans doute le fait de ne plus se sentir seule, et pourquoi pas, la promesse d’un avenir meilleur avec Gilbert si il était tel qu’elle le croyait. J’espérais ne pas avoir placé de faux espoirs en elle avec mes idées farfelues. Chaque jour j’attendais un signe qui annoncerait que le fils Jacquet avait reçu le message et qu’il faisait tout ce qui était en son pouvoir pour retrouver la femme qu’il aimait.
Comme on dit, tout vient à point à qui sait attendre. Enfin quelque chose de ce genre. Seulement dans ce cas, le message a été très long à venir. Je dirais même qu’on aurait pu l’attendre encore longtemps. A chaque fois que je voyais un client rentrer dans la boutique, j’espérais secrètement qu’il venait nous apportait des nouvelles de Gilbert, un message, un rendez-vous, n’importe quoi qui aurait pu me rassurer sur l’avenir de Florence. Seulement, les clients n’étaient que de simples clients et les jours passaient et se ressemblaient.
Florence ne se décourageait pas pour autant, elle était persuadée que Gilbert avait vraiment une bonne raison de ne pas se manifester. Je ne lui montrais pas mais plus on avançait, plus j’avais l’impression qu’elle portait trop d’estime à cet homme. Je ne reconnaissais pas le Gilbert Jacquet que j’avais rencontré en arrivant quand elle me parlait de lui. Soit il avait subi un lavage de cerveau, soit il n’avait jamais été ce qu’elle croyait. J’étais honteuse de mettre en doute les paroles de Florence mais il fallait bien avouer que l’amour rend aveugle et que le pire des monstres peut sembler un ange pour celle qui l’aime. Combien de femmes n’ont pas trouvé d’excellentes excuses à l’homme qui les battaient ? Combien ne sont pas mortes en ayant cette conviction ?
Toutes ces choses que je ne pouvais partager avec Florence, de peur de mettre en danger notre amitié, il m’arrivait de les confier à Bret. Cela m’avais permis de mieux le connaître aussi et de nouer ce lien que Florence trouvait si important entre patron et employé. Ma foi, j’avais trouvé une oreille attentive et une personne de bon conseil, j’en avais bien besoin. Il ne devait pas en mener large le pauvre, entre les plaintes de certains clients sur sa relative lenteur avec la caisse et mes soucis que je lui racontais dès qu’on se retrouvait un moment seul tous les deux. Je savais que j’aurais pu le laisser à l’écart de tout ça, ne pas lui étaler les problèmes de Florence que j’étais sensé garder pour moi mais j’avais trop besoin de me confier à quelqu’un qui aurait un vue objective de tout ce cirque et qui pourrait m’aider à faire les bons choix.

En y réfléchissant, c’était une période assez bizarre de ma vie, partagée en joie et peine, crainte et envie d’avancer. Mais j’arrivais à un moment où je ne pouvais plus supporter longtemps toutes ses émotions en même temps. Il était temps que certaines l’emportent sur les autres. Et j’étais décidé à finir heureuse. Il était temps que j’agisse.

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28 juin 2006

La boutique repris rapidement de l’allure.

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La boutique repris rapidement de l’allure. Certes, à l’intérieur ce n’était pas encore le grand luxe mais l’extérieur commençait à ressembler à ce que j’avais connu étant petite. J’étais fière du résultat même si je devais accumuler les petits boulots afin de pouvoir payer tout ce qui m’entourait à présent. A vrai dire, je pensais plus à redonner une fière allure à la maison de ma grand-mère qu’à mon propre confort. Je n’avais comme décor que le strict minimum et bon marché en plus. Il y avait peu de décoration et beaucoup d’espace vide, c’était assez triste, il faut bien l’avouer. Mais je m’étais fixé un but que je comptais bien atteindre. Et si je pouvais par la même occasion attirer le regard et susciter l’admiration de personnes que je n’inviterais jamais à prendre un verre dans mon salon, je n’allais pas m’en priver. Moi même, j’avais toujours été impressionnée. Certes, ce n’étais pas non plus l’équivalent des jardins du château de Versailles et on en était même très loin. Mais j’avais toujours trouvé qu’il s’en dégageait une certaine majesté. Ma grand-mère elle même avait dessiné les croquis représentant l’aménagement floral qu’elle souhait voir sur le bout de terrain situé devant la boutique et il ne m’avait pas été difficile de les retrouver et de les faire passer au paysagiste que j’avais engagé pour l’occasion. Il m’avait pas contre toujours paru étrange qu’elle ne se soit jamais occupé que de ce qu’il y avait à l’avant. J’avais l’habitude de courir dans les herbes folles qu’on y trouvait, de m’y plonger et de rester ainsi des heures en regardant les nuages qui passaient dans le ciel. Malgré ma volonté de respecter ce que ma grand-mère avait laissé, je me voyais bien de nouveau allongée dans ce jardin, mais sur un matelas gonflable, au milieu d’une grande piscine. Cela ne restait bien sûr qu’un souhait, un petit plaisir que j’avais décidé de m’offrir si les affaires marchaient bien.

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Afin de pouvoir payer tous ces aménagements, j’avais trouvé un petit boulot dans une boutique de fleurs de Forgottendale. La propriétaire s’était installé dans la petite ville seulement deux années auparavant et n’avais pas éprouvé le besoin d’engager des employés jusqu’à maintenant. Elle s’était retrouvée du jour au lendemain dans l’incapacité de continuer à gérer toute seule son entreprise. Aussi avait-elle fait passé une petite annonce dans le journal local à laquelle j’avais répondu. Je ne pouvais manquer cette occasion pour rien au monde. Le travail collait exactement à la voie que je m’étais choisi et je me disais que je pourrais par la même occasion découvrir la vie qui m’attendait quand j’aurais ouvert ma propre boutique.
Cependant, je redoutait que la jeune femme chez qui j’allais me rendre ne soit bâtie sur le même moule que les gens du coin que j’avais déjà rencontré. Je ne voulais pas d’un parfait clone de ce Gilbert Jacquet.
Heureusement en arrivant à l’adresse indiquée j’avais été soulagé de tomber sur une femme tout à fait charmante. Tout le contraire de ce que j’avais redouté. Elle s’appelait Florence Della Rosa. Le courant passa tout de suite entre nous et elle n’attendit pas de recevoir d’autres personnes intéressées par la place pour me l’offrir. Elle disait sans arrêt que le plus important n’était pas la compétence, que l’on pouvait toujours acquérir avec un peu d’entraînement, mais les relations entre patrons et employés.
" Essaye donc de faire tourner un commerce avec des gens qui se détestent. Les clients sentent que quelque chose ne va pas et tu ne feras jamais de bonnes affaires. ", me disait-elle toujours.
Attention, il ne fallait surtout pas lui faire dire ce qu’elle n’avait pas dit. Jamais elle n’aurait embauché quelqu’un qui ne savais rien faire du tout, là aussi cela aurait impossible de faire quoi que ce soit. Non, il fallait trouver le juste milieu entre compétences et amitié. C’était ça son idéal : faire tourner sa boutiques avec des amis un minimum compétents. Mais elle ne m’avais jamais caché que mon nom de famille avait aussi fait sa petite impression. Dès qu’elle avait lu « Abreim » sur mon CV, elle avait su que j’étais vraiment celle qui lui fallait. Bien qu’elle n’ait jamais connu ma grand-mère, elle aurait eu du mal à ne pas avoir entendu parler d’elle. Tout le monde se souvenait encore de sa boutique et des ses bouquets somptueux et ses plus vieux clients faisaient encore la comparaison quand ils voyaient le travail de Florence.
"C’est vraiment du bon travail vous savez, ce bouquet est magnifique. Mais pas autant que ceux que composait Mme Abreim. Vous auriez vu ça, mademoiselle Della Rosa… Un vrai feu d’artifice de couleurs et de senteurs. Une gentille dame en plus de ça. Elle nous manque vous savez."
Florence souffrait parfois de cette comparaison, ce n’était pas si facile de prendre la suite de ma grand-mère. Je me rendais compte que moi aussi j’allais devoir la subir, peut être encore plus qu’elle étant la petite-fille de ma grand-mère.
Florence m’avait donc engagée connaissant le talent de son prédécesseur et en espérant que celle-ci m’aurait transmis son don. Certes, elle m’avait dit dès le départ que je ne devrais pas me contenter de composer les bouquets avec elle et je savais que j’allais devoir aussi assurer à la vente et ce qui m’impressionnait le plus, la caisse. Je ne savais pas si j’allais réussir à m’en sortir avec toutes ses touches et ses combinaisons à retenir pour chaque article vendu. C’est qu’il n’y avait pas de scanner et de codes barres sur les bouquets, on était dans une boutique traditionnelle pas dans un supermarché.

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Je faisais finalement plus de vente, Florence préférant s’amuser avec la caisse d’après ses propres dire. Cela me convenait parfaitement. J’aimais le contact avec les gens et cela me permettait aussi de me faire connaître. Sans aucune prétention, je voyais que les clients m’adoraient, peut être aimaient-ils la nouveauté, le changement. Ils pouvaient passer des heures à discuter avec moi si je ne les arrêtais pas avant. J’avais de l’argent à gagner et il y avait souvent d’autres clients derrière qui attendaient un conseil ou deux. Il ne faut pas croire que Florence ne participait pas et rester debout derrière sa caisse attendant que l’argent rentre, elle s’occupait aussi des clients mais comme je l’ai déjà dit, ils demandaient souvent après moi. Et elle ne pouvait pas non plus tous les satisfaire à elle seule pendant que moi je tenais une discussion sur la pluie et le beau temps. J’avais souvent peur que ma patronne se sente menacée en voyant le succès. Et plus encore depuis que je lui avais parlé de mon projet de reprendre la boutique de ma grand-mère. Il était clair que beaucoup de ses clients préfèreraient venir chez moi quand j’aurais ouvert. Mais elle avait plutôt l’air de prendre cela bien. Mieux encore, elle m’encourageait à poursuivre ce que j’avais commencé.
En peu de temps, elle était devenue une véritable amie J’étais souvent invitée à manger un morceau chez elle les jours où son magasin était fermé. Cela me faisait bizarre de venir sur mon lieu de travail mais je m’y étais habitué très vite et j’appréciais de sortir un peu de chez moi et d’oublier les soucis que me causaient mon projet. Ce n’était pas que j’avais des problèmes d’argent ou bien même des problèmes avec les entreprises que j’engageais pour effectuer certaines choses que je ne pouvais faire moi-même mais il y avait toujours ses questions qui tournaient dans mon esprit et que je n’arrivais à chasser que durant les moments passés avec Florence. Je me sentais bien chez elle. J’avais enfin une alliée à Forgottendale. Grâce à moi, Florence arrivait de nouveau à s’en sortir et elle me le rendait bien.
Mais je voyais bien qu’elle avait des problèmes autre que ceux dont elle me parlait : factures, gestion…Elle avait souvent ce regard absent qu’on trouve chez les personnes à qui il manque quelque chose. Mais à chaque fois que j’essayais d’aborder le sujet avec elle, elle trouvait une excuse pour esquiver la conversation. Une chose est sûr, elle ne voulais pas en parler ou du moins elle ne se sentait pas encore prête pour m’en parler. Et il y avait aussi ces clients qui chuchotait sur son passage d’un air désolé. J’aurais pu les interroger eux mais si Florence ne voulait pas m’en parler par elle même, j’imaginais qu’elle n’aurait pas aimer que quelqu’un d’autre le fasse à sa place. Je comprenais très bien qu’elle ne veuille pas le faire et j’étais tout à fait prête à attendre le jour où elle se déciderait. En attendant je faisais comme je pouvais pour ne pas lui faire remarquer que j’avais compris qu’elle n’était pas parfaitement heureuse malgré ce qu’elle essayait de me faire croire. Tout en moi me criait que je devais faire quelque chose maintenant, pour pouvoir la soutenir comme le ferait une amie mais je faisais tout ce que je pouvais pour me retenir.

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Je me plaisais beaucoup à la boutique et je n’aurais quitter Florence pour rien au monde, si ce n’est l’ouverture de ma propre boutique, cela va de soi, mais si le salaire qu’elle me versait suffisait à subvenir à mes besoins élémentaires, il ne suffisait pas à payer les travaux que j’avais entrepris. Il avait donc fallut que je trouve un autre travail que je pourrais exercer durant mes journées de congés. Et j’avais atterri dans la branche la plus inattendue qui soit. J’étais vendeuse le jour et exorciste la nuit. C’était un métier qui rapportait gros car les clients étaient souvent les grosses fortunes des environs, cloîtrés dans leur vieux manoir qu’ils croyaient hantés pour des raisons obscures. Je n’avais jamais rencontré de réels cas de possession ou fantômes errants des les couloirs traînants leurs lourdes chaînes derrière eux cependant, mon diplôme en psychologie me permettait de savoir comment fonctionnait l’esprit des personnes qui avaient fait appel à moi et d’exploiter les faiblesses que j’y trouvais. Cela fonctionnait assez bien en général mais on ne peut pas dire que j’étais très fière de moi après chaque intervention. J’étais toujours intrigué par le fait que les gens étaient persuadés que c’était bien moi qui avait mis fin à leur problème. Il n’y avais aucun doute qu’ils s’étaient eux même imaginés tout ce qu’ils avaient vu ou entendu mais comment pouvaient-elles en être arrivé là et comment le simple fait de savoir que j’étais venu pouvait-il les libérer de ce qu’ils avaient créer ? J’avais toujours était impressionné par la complexité de l’esprit humain mais réfléchir sur ce sujet me donnait souvent des migraines.
Me rendre à ce travail demandait un temps de préparation non négligeable et je me serais bien passé de l’attirail que mon employeur me forçait à porter. J’avais toujours imaginé les exorcistes en prêtre croix de bois dans une main et eau bénite dans l’autre mais j’avais plutôt l’air de ses aborigènes qu’on trouve dans les désert australiens. Qu’importe « le client adore ça, il est toujours impressionné de nous vois arriver comme ça. C’est bon ça d’impressionner le client ! » me répétait toujours mon patron. C’était un type assez bizarre mais ce n’était pas un mauvais bougre. Il traitait bien tous ces employés et surtout il nous garantissait la sauvegarder de notre anonymat. Pour tous les clients j’était Vaea l’exorciste et cela me convenait très bien. Je n’avais pas besoin que tous les habitants de Forgottendale apprennent que je passais mes nuits à chasser les esprits malveillants, on m’aurait pris pour une folle et adieu mes rêves, je n’aurais plus qu’à faire mes valises. C’était là le grand paradoxe. Les gens étaient près à appeler des exorcistes pour les libérer de ce qu’ils croyaient être parmi eux, remerciaient chaudement la personne qui avait été envoyée et mais dès que le jour était levé et que la menace était passée, ils auraient ridiculiser n’importe quel exorciste qu’on leur aurait désigné. Et bien sûr, ils restaient muets en ce qui concernait leur propre expérience.
Je m’étais promis d’arrêter ce travail dès que j’aurais assez d’argent pour me lancer et ce moment arrivait à grand pas. Mais plus on s’en approchait, plus je reculais l’échéance. Je ne devais pas me précipiter tête baissée dans l’inconnu. Il fallait encore que je continue à gagner de l’expérience avec Florence et un peu plus d’argent que ce dont j’avais besoin ne me ferait pas de mal, en cas de coup dur.

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Mais j’avais finalement fini par me décider à commencer à m’occuper de mon projet. Il ne me restait plus qu’à annoncer mon départ à Florence, qui n’attendait d’ailleurs que ça depuis quelques semaines, me pressant de me lancer. Elle avait déjà trouver quelqu’un pour remplacer qui commencerait dès le moment ou moi j’arrêterais. Une personne charmant et compétente que je l’avais même aidée à choisir. Elle tenait je ne sais pour quelle raison à ce que ce remplaçant me convienne parfaitement. Pourtant je n’allais plus être impliquée dans la vie de cette boutique et j’allais même devenir sa concurrente directe. Mais une fois de plus, Florence n’avait pas du tout l’air gênée par cette situation. J’étais ravi que notre amitié est une chance de continuer à exister après ce que j’allais entreprendre. Elle m’avait même proposer un système de partenariat entre nos deux boutiques. J’avais trouvé l’idée excellente même si nous n’étions pas encore de quoi il allait en retourner et comment nous allions organiser cette association. Une chose était sûre nous allions rester indépendante, chacune pourra gérer son propre commerce comme bon lui semblait mais nous devions rester unie face aux attaques des autres commerçants de Forgottendale.
Florence aussi ne nourrissait pas une amour disproportionné pour ceux qui étaient installés depuis bien plus longtemps. Apparemment, ils avaient essayé à de nombreuses reprises de lui mettre des bâtons dans les roues mais sans succès. Elle avait, comme j’allais le faire, construit ce qu’elle avait par elle même, sans l’aide de personne, et elle comptait bien le défendre jusqu’à son dernier souffle si il le fallait. Elle était forte et s’était fabriqué une image de femme dur vis à vis de ses personnes que je ne lui connaissais pas quand j’étais seule avec elle. Je me demandais si cela n’avait pas aussi un rapport avec ce qu’elle gardait pour elle. Que pouvait-il s’être passé dans sa vie qui avait pu la rendre si agressive quand l’un d’eux était dans les parages. Parfois il m’arrivait de ne pas la reconnaître. Je n’avais plus à côté de moi la Florence que j’avais appris à aimer, qui était devenue mon amie mais une femme qui me semblait presque étrangère. Comme ce jour où un dénommé Plènozas est venu à la boutique. J’étais arrivé comme tous les matins pour travailler et je les avais trouvé en pleine dispute devant la porte. Lorsqu’ils s’étaient aperçus de ma présence, ils avaient fait comme si de rien n’était et s’étaient quittés comme si il avaient eu une conversation tout ce qu’il y avait de plus banale. Mais j’avais bien remarqué la haine qui brillait dans les yeux de Florence alors qu’elle le suivait du regard tandis qu’il grimpait dans sa voiture de sport hors de prix. J’avais fait celle qui n’avait rien remarqué par respect, encore une fois. Si Florence refusait de me mêler à ses histoires, il devait forcément y avoir une bonne raison et je n’étais pas vraiment sûr de vouloir en savoir plus pour l’instant. Je m’étais contenté de lui demandais qui était cet homme et cet incident avait été clos et oublié pour tout le monde. Du moins en apparence.
Mais le destin semblait en avoir décidé autrement.
Le jour où j’avais reçu le feu vert de la mairie pour l’ouverture de ma boutique, j’avais voulu aller annoncer immédiatement la nouvelle à Florence. Je l’ai retrouvé chez elle, penchée au dessus de la cuvette des toilettes, pâle comme un linge.
Il n’y avait aucun doute, soit elle était malade, et peut être gravement, ce qui aurait expliqué certaines choses, soit elle était enceinte, ce qui aurait aussi très bien pu expliquer certaines choses. Lorsqu’elle croisa mon regard interrogateur, elle su qu’elle ne pouvait pas garder son secret pour elle plus longtemps et qu’il était temps de tout me dire. Elle se passa de l’eau fraîche sur le visage puis sans un mot me désigna le salon.
Lorsque nous fûmes toutes les deux assises, elle commença a parler.

22 juin 2006

« Vous savez, je crois que je vais bien me plaire

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« Vous savez, je crois que je vais bien me plaire ici. La campagne, l’ai pur,… c’est cent fois mieux que l’ai pollué que vous devez respirer dans votre coin.  »
Cet homme n’en avait strictement rien à faire de ce que j’étais en train de lui raconter depuis une bonne demi-heure. Mais je m’attendais à quoi moi ? J’avais débarqué dans cette ville avec mon petit diplôme de psychologie , je m’étais installé dans cette vieille boutique que ma grand mère m’avait léguée et que tout le monde convoitait depuis sa mort et en plus j’avais l’intention d’y lancer mon propre commerce et j’osais espérer que les autres commerçants allait m’accueillir les bras ouverts avec un grand sourire ? Ma grand mère m’avait toujours dit de me méfier d’eux quand elle me parlait de sa vie ici. Elle ne leur faisait pas confiance mais elle ne m’avait jamais expliqué pourquoi. J’étais trop jeune selon elle pour être mêlée à des affaires de ce genre. Mais je dois avouer que dès que je les avais vu arriver la première fois, j’ai compris pourquoi. Leur sourire. Il paraissait trop sincère pour être vrai.
« Alors comme ça vous êtes la petite-fille de la vieille madame Abreim? Et qu’est ce que vous venez faire dans le coin ?»
Rien que cette seule phrase me rendait ce Gilbert Jacquet antipathique. Bien sûr je savais pourquoi lui et cette femme étaient venus m’accueillir. Oui, j’étais bien sa petite fille, tout juste sortie de l’université de Forgottendale et qui venait démarrer sa vie active dans cette petite bourgade. A partir de ce moment, on touchait au sujet qui lui tenait à cœur.
« Vous allez ouvrir une boutique ici ou vous comptez vendre ? »
Il avait dit ça avec une pointe d’agacement, comme si je ne faisais que lui faire perdre son temps. Je ne l’avais obligé à rien, il était venu de son plein gré. Mais étant donné sa réaction, j’ai préféré répondre que je ne savais pas encore. Il verrait bientôt si je m’étais décidé à rester ou si j’étais juste passer pour me débarrasser de ce que ma grand mère avait passé sa vie à construire. A vrai dire, à ce moment précis, je n’étais pas encore moi-même sûre de ce que je souhaitait faire. J’avais très envie de continuer ce qu’elle avait commencé mais je ne savais pas si je serais à la hauteur. Comme je m’en doutais, ayant eu une réponse à leur question, ils avaient tout à coup prétexté l’un et l’autre avoir oublié une course importante. Leur départ manquait un peu de la chaleur qu’ils avaient employés à leur arrivée, sûrement l’effet de ma réponse qui n’avait pas du leur convenir.
En les regardant partir, je repensait à ma grand-mère. Mais qu’est ce que j’étais en train de faire pour elle ?. Ces gens ne me disait rien qui vaille et j’avais l’étrange impression qu’ils allaient m’attirer des ennuis. Ils paraissait bien trop sympathiques, bien que je ne pouvais juger la femme que difficilement car elle n’avait prononcé que deux ou trois mots afin de se présenter. Mais tout en moi me disait de me méfier de l’homme. Il y avait quelque chose en lui qui ne me plaisait pas du tout. Et les commerçants ne devaient-ils pas apprendre à être sans arrêt souriant et sympathique pour plaire aux clients ? Peut être avait-il essayait son talent sur moi et que inconsciemment je l’avais ressenti ?
Ou peut être tout simplement qu’à force d’entendre ma grand mère me dire de ne pas leur faire confiance, je réagissais simplement comme tous ses gens à qui on bourrait le crâne et qui finissaient par croire tout ce qu’on leur disait. Non impossible, elle n’aurait jamais dit ça sans raison. Elle était la personne la plus honnête que j’ai jamais rencontrée. Si elle pensait qu’ils ne méritaient pas sa confiance, ni celle de personne d’autre, elle devait sans doute savoir quelque chose. Et il m’était avis que je ne tarderais pas moi aussi à en savoir plus sur cette histoire. En y réfléchissant bien, cela me faisait un peu peur. Qui savait ce que j’allais découvrir et quels fantômes j’allais peut être déterré…
J’aurais mieux fait de faire mes valises tout de suite et de partir alors que je le pouvais encore.

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Pour me changer un peu les idées, j’avais décidé d’aller faire un tour au centre ville. La dernière fois que j’étais allé rendre visite à ma grand-mère, c’était encore un tas de ruines déserté par la plupart de ses habitants à la suite d’une terrible catastrophe. Mais une grande campagne de réhabilitation avait été lancée quatre ans auparavant rendant la vie au cœur de Forgottendale. Les architectes ne semblaient pas s’être soucié de préserver l’âme de la ville. Les vieilles bâtisses en pierre qui se dressait encore ça et là avaient étés complètement rasées et remplaçait par des tours de verre dont on n’apercevait même pas la fin. De gros projecteurs qui illuminaient le ciel de nuit étaient disposés un peu partout. Ce nouveau centre ville tranchait trop avec les quartiers alentour. On aurait presque dit qu’un Las Vegas local avait poussé au milieu des quartiers paisibles. Grand mère n’aurait sûrement pas apprécié ce qu’ils avaient fait de son centre ville. Elle aurait aimé qu’on lui rende celui qu’elle avait connu dans son enfance. Elle était née ici mais ses parents avaient décidé de partir pour Véronaville alors qu’elle avait une quinzaine d’année et n’était revenue seulement qu’à l’âge de 70 ans, il y avait 20 ans pour ouvrir sa petite boutique en attendant la fin de ses jours. Elle tenait tant aux derniers choses qui lui rappelait son enfance ici qu’elle se serait sans doute opposé à ce projet si elle avait pu. Heureusement, elle n’avait pas été là  pour voir partir en fumée les vieilles pierres qu’elle affectionnait tant. Mes réflexions m’amenèrent devant une petite voie piétonne le long de laquelle se dressait quelques petits magasins. Cet endroit me plaisait bien. Il tranchait avec ce que j’avais pu voir pour l’instant. Comme si je m’étais retrouvée dans un autre monde en arrivant dans cette ruelle. Je décidai donc d’aller jeter un coup d’œil sur ce que ces magasins offraient et je me suis laissée tenter par la petite boutique de vêtements qui s’y était installée. De tout manière, j’avais un besoin urgent de changer ma garde robe si je voulais paraître un minimum sérieuse en chef d’entreprise. Changer n’était pas le bon mot, tout compte fait. J’avais juste besoin de trouver LA tenue qui me donnerait l’impression d’être supérieure et d’avoir de l’autorité sur mes futures employés, en supposant bien sur que j’en ai un jour. Malheureusement pour moi, il n’y avait pas ce que je cherchais ce qui ne m’avais pas empêchée de craquer sur un petit ensemble que je me suis tout de suite offert. Tout en passant à la caisse pour régler, je ne pus m’empêcher de penser que bientôt, ce serait peut être moi qui me tiendrait derrière la caisse et à qui les clients remettrait l’argent. Ca m’avait l’air compliqué comme machine tout de même, serais-je capable de m’en servir le moment venu ? Je m’imaginais mal expliquer à la personne qui venait régler ses achats que je savais pas comment utiliser la caisse enregistreuse et qu’il devait attendre encore un peu  le temps que je comprenne son fonctionnement. Bonjour la honte ! Il m’arrivait d’avoir des idées vraiment farfelues parfois. Il était évident que je n’allais pas me lancer avoir d’être au point sur tout ce que j’avais à savoir pour que ma boutique tourne comme il faut. Après j’aurais tout le temps de me perfectionner mais je devais d’abord en savoir un maximum.

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Grand mère était morte en ne laissant qu’une seule chose derrière elle, sa boutique. C’était vraiment une belle maison qu’elle s’était offerte après la mort de son mari. Avant son arrivée ici,  elle n’avait jamais vraiment travaillé, préférant la vie de femme au foyer et les tâches ménagères. Elle n’aurait laissé personne d’autre qu’elle s’occuper de mon père. Ca non, si elle avait fait un enfant, ce n’était pas pour que quelque d’autre joue son rôle à sa place. Pourtant, grand-père n’était pas un miséreux et elle était elle même issue d’une famille assez bourgeoise mais jamais de le vie elle n’aurait accepté qu’un autre fasse les choses à sa place. Elle disait sans arrêt qu’on ne fait jamais mieux les choses que par soi même. Bien sûr, grand-père qui était patron d’une petite entreprise d’import-export avait des employés à sa charge mais grand-mère répondait à qui le voulait entendre que c’était très différent. Les employés étaient là pour aider pas pour effectuer les tâches ingrates qu’on ne veut pas exécuter soi-même. Et elle avait raison, jamais personne ne s’était plaint de la façon dont grand-père les traitait. A la mort de celui-ci, elle ne pouvait plus supporter de vivre sous le toit où elle avait connu tant d’évènements heureux. Elle mis la maison en vente et décida d’aller s’installer ailleurs. Je me souviens que Papa lui avait proposé de venir habiter avec nous mais elle avait décliné l’invitation. Ce qu’elle voulait, c’était retrouver ses racines. C’est ainsi qu’elle retourna vivre à Forgottendale. Lorsqu’elle l’avait achetée, la maison n’était encore qu’un vieux tas de ruines. Elle avait tout fait remettre à neuf. C’est pendant les travaux de rénovations qu’elle avait décidé de se lancer dans les affaires, d’après ses propres dires. C’est d’ailleurs à ce moment qu’elle avait fait rajouté le petit escalier et la porte qui donne sur la pièce qu’elle avait choisie de dédier à son commerce. Elle perdait de l'espace habitable mais après tout, cela n'avait pas d'importance puisqu'elle vivait toute seule. La maison était grande et elle n'avait pas besoin d'autant d'espace.
Sa boutique était au début plus un passe temps qu’autre chose, mais elle rencontra vite un vif succès auprès des habitants du coin. Son magasin ne se désemplissait jamais de l’ouverture à la fermeture, qui avait lieu bien tard parfois, ma grand-mère ne pouvant jamais refuser à des clients indécis un temps supplémentaire pour faire leur choix. Jamais elle n’avait forcé quelqu’un à acheter quelque chose qu’il n’avait pas l’intention d’acquérir en rentrant dans le magasin. Le client ressortait toujours avec ce qu’il était venu chercher.
J’avais tant de projet pour cette maison…J’allais devoir prévoir de nombreux travaux rien que pour faire renaître le souvenir que j’en avais. Les arbres devant la maison, les fleurs…Il ne restait plus rien, le temps avait fit son œuvre. En quatre ans, pratiquement toutes les fleurs étaient mortes, faute d’entretien, la plupart des arbres déracinés car morts et la plupart des pavés disparus, emportés par quelques chapardeurs persuadé que la maison était à l’abandon. Heureusement certains amis de grand-mère veillaient sur la propriété faisaient de leur mieux pour ne pas qu’elle redevienne la ruine qu’elle était lorsque que grand-mère avait débarqué un beau matin.
Mais j’imaginais déjà les heures de travail que j’allais devoir effectuer pour pouvoir remplacer ce qu’ils n’avaient pu sauver.

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La boutique était presque comme elle l’avait laissé lorsqu’elle était morte, les araignées et la poussière en plus. Quand je suis rentrée à l’intérieur quelques jours après mon arrivée à Forgottendale, j’ai eu l’impression d’être retomber en enfance. Les couleurs, les odeurs, les bruits, m’étaient revenus d’un seul coup. Mes parents et moi passions toujours les vacances d’été chez grand-mère, pour lui donner un petit coup de main. C’est pendant ces visites que j’ai appris à composer mes premiers bouquets avec grand-mère. Elle me disait que j’étais très douée et que si je continuais à m’appliquer comme cela je la dépasserais très bientôt. Ce qui était un énorme compliment venant de sa part. Elle avait passé sa vie à accorder parfums et couleurs. C’était son seul passe temps de femme au foyer. Grand père était toujours sûr de trouver un nouveau bouquet de fleurs fraîchement coupées lorsqu’il rentrait de son travail le soir. Ainsi, c’était tout naturellement qu’elle s’était lancé dans le métier de fleuriste à sa mort. C’était pour elle le meilleur moyen de combiner travail et plaisir. Je n’ai jamais vraiment su ce qui l’avait poussé à travailler. Après tout, grand-père lui avait laissé de quoi vivre à ses aises jusqu’à la fin de sa vie. Peut être la solitude, l’envie de voir du monde…ou alors un moyen d’éviter de se morfondre sur sa triste vie de veuve. Quoi qu’il en soit, tout le voisinage s’arracher ses bouquets et il n’y avait pas une seule fête, que ce soit mariages, anniversaires ou même fête de Noël qui ne devait sa décoration florale à ma grand-mère. J’adorais la voir travailler devant le petit établi qu’elle s’était constitué et il m’arrivait souvent de l’accompagner lors de ses sorties à la recherche de nouvelles fleurs et de nouvelles idées. Elle disait souvent qu’un bon fleuriste doit piocher ses idées dans la nature et non pas dans sa tête parce que la fleur est un produit de la nature et pas un produit de l’imagination. Ma mère voyait d’un mauvais œil l’admiration que je portais à ma grand-mère et à ses fleurs. Elle voyait bien que j’étais attirée par les activités de fleuriste. Elle pensait qu’avec le temps je changerais d’opinion et que comme tous les enfants j’aurais très vite une nouvelle passion. Mais elle se trompait. Plus le temps passait, plus les visites chez grand-mère passaient, plus j’étais sûre de ce que je voulais. Ma mère avait prévu de grands choses pour moi, elle me voyait devenir médecin ou avocat,  comme tous les parents rêvent un jour pour leur enfant, pas une petite fleuriste dans une ville perdu au fin fond de l’arrière pays. Un jour, je devais avoir à peut père 13 ou 14 ans, elle s’était même disputé avec grand-mère à ce sujet. Ca aurait même pu devenir très violent si mon père n’était pas intervenu en disant que de tout manière ce n’était à elles de décider ce que j’allais faire de ma vie mais à moi et à moi seule.  Je lui ai été très reconnaissant. Finalement, ils se sont mis tous les trois d’accord. J’avais le droit de faire ce que je voulais à  condition que je sois vraiment sûre de ce que je faisais. J’avais décidé de faire des études pour faire plaisir à  ma mère mais ensuite il était prévu que j’aille aider grand-mère à la boutique. Malheureusement, elle mourut avant même que je finisse ma première année à l’université. Tant de souvenirs m’étaient revenus en même temps, des bons aussi bien que des mauvais que j’eut très vite besoin de ressortir de cette pièce pour ne pas être submerger par l’émotion. Il allait falloir que j’apprenne à me contrôler si je voulais mener à bien mon projet. Mais cela m’avait au moins rassuré sur une chose. Je savais ce que je souhaitais vraiment. Bientôt la boutique de ma grand-mère ouvrirait sous un nouveau nom : Yaïza’s Bazar. J’étais trop fière de mon prénom pour ne pas le faire apparaître sur l’enseigne.

12 juin 2006

Bienvenue Chez Yaïza's ! Tout est dit dans

Ya_zaBienvenue

Bienvenue Chez Yaïza's ! Tout est dit dans l'image. Que rajouter de plus sinon vous souhaiter de passer un bon moment en sa compagnie et si vous avez des suggestions, des remarques, des conseils...ou tout simplement envie de partager votre opinion, vous pouvez toujours laisser un petit commentaire, ça fait toujours plaisir.

Et je pourrais aussi vous remercier de lire cette histoire, de vous arrêter ici et de prendre le temps de vous intéresser à ce que je peux écrire. Le plus beau "cadeau" c'est d'être lu et apprécié.

Missing

 


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